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Industrialiser le réemploi de matériaux pour

construire autrement : avec le faux plancher,

Mobius décarbone l’immobilier de bureaux

par Romane Roussel


Créée il y a cinq ans par Noé Basch et Aurélien Furet, Mobius est d’abord une société

de conseil en réemploi. Face à l’absence de filière, les deux associés se lancent

rapidement dans la production de faux planchers techniques reconditionnés et

démontrent que l’économie circulaire peut se penser en grand.


En ce jour de décembre, ils sont une cinquantaine à l’écouter raconter les prémices de son projet entrepreneurial, sa mise en œuvre et les difficultés qu’il a fallu surmonter. Noé Basch, co-fondateur de Mobius, est en pleine opération séduction : architectes, ingénieurs, promoteurs, ils sont tous venus visiter l’usine de la société dans le cadre d’une journée de sensibilisation au réemploi organisée par le Conseil d’architecture, d’urbanisme et de

l’environnement (CAUE) de Seine-et-Marne.


Il faut dire que les résultats sont plutôt probants. A l’intérieur de ce vaste entrepôt situé à Rosny-sous-Bois, à quelques kilomètres de Paris, on reconditionne près de 50 000 à 60 000 m2 de dalles de faux planchers chaque année pour les réutiliser dans de nouvelles constructions. “Soit 2 000 tonnes de déchets et 1 700 tonnes de CO₂ évitées”, souligne l’entrepreneur. Des chiffres qui contrastent avec l’image artisanale du réemploi de

matériaux.


Industriel, Noé Basch l’est devenu par nécessité. Avec Aurélien Furet, un ancien directeur travaux chez Vinci, il fonde Mobius en 2016 pour proposer des prestations de conseil en réemploi auprès d’opérateurs immobiliers : “Cela consiste à définir les matériaux valorisables sur des chantiers de démolition et à déterminer ce qu’on peut en faire, en déconstruisant plutôt qu’en détruisant”, explique-t-il. Mais les deux entrepreneurs se

heurtent à un problème de taille : “Pour donner une seconde vie à des matériaux dans le secteur du bâtiment, il faut qu’ils soient remis en état et conformes aux normes, donc qu’ils passent des tests en laboratoire et se voient délivrer une garantie. Mais dans la construction, il existe peu de filières de reconditionnement”. Pour répondre à cette demande, ils élargissent leur champ d’activité en se lançant dans la remise en état de matériaux et misent sur l’immobilier de bureaux : “Il y a à peu près mille matériaux dans un logement et à peu

près autant de références, tandis que dans les bâtiments tertiaires, c’est simple : les éléments de mobilier sont partout les mêmes”.


Des dalles stockées dans l’usine Mobius à Rosny

© Marie Moroté


Parmi eux, le faux plancher est le parfait candidat pour envisager du réemploi à grande échelle : présent dans tous les bureaux depuis une trentaine d’années, il est découpé en carrés de dimensions et d’épaisseur standardisées et posé au-dessus du sol de manière à créer un espace pour abriter tous les câbles électriques. “Quand une entreprise s’en va et qu’une nouvelle emménage dans un bâtiment, on en profite pour refaire tout l’intérieur,

alors le faux plancher part régulièrement à la benne”, déplore Noé Basch. Stratifiées, en PVC ou en bois brut, les dalles récupérées par Mobius sont brossées et poncées, chassant les craintes liées à l’esthétique des matériaux en réemploi auprès des maîtres d'ouvrage, soucieux d'aménager des espaces intérieurs de qualité.


En 2016, la foncière Icade est ainsi la première à accorder sa confiance à l'entreprise pour un

projet d’envergure : la construction d’un bâtiment de bureaux de sept étages à Saint-Denis. Mobius identifie plusieurs chantiers de déconstruction en France et y collecte au total 20 000 m2 de dalles de faux planchers, qu’il faut uniformiser en usine puis intégrer au bâtiment d’Icade, livré en 2019 et baptisé “Pulse”. Une réelle innovation à une époque où l’économie circulaire est rarement mise en œuvre sur de si grandes surfaces, mais qui s’avère parfaitement en phase avec la démarche environnementale promue par son occupant : le

Comité d’Organisation des Jeux Olympiques de Paris.



Du faux plancher reconditionné par Mobius en cours de pose

© Marie Moroté


Depuis, l’apparition de nouveaux labels environnementaux et de réglementations plus

contraignantes a rempli le carnet de commandes de Mobius. Les maîtres d’ouvrage s’associent à des acteurs de l’économie circulaire pour assurer la pérennité de leurs activités, même si de nombreux obstacles demeurent, faute de structuration de la filière : “Il est indispensable de soutenir les entreprises du réemploi. Mais à ce stade, on construit trois fois plus qu’on ne déconstruit : la ressource est rare, les délais d’approvisionnement sont longs, or un retard de livraison de matériaux peut vraiment faire planter une opération, et cela reste moins cher d’utiliser du neuf” rappelle Jean-Claude Tchuindibi, directeur de gestion technique chez Icade. Un coût inévitable induit par le besoin de main d’oeuvre, explique Noé Basch : “Il faut des gens pour sourcer les opérations, collecter la matière, la transporter, la transformer, la tester et la faire assurer puis la commercialiser. Chez Mobius, tout cela s’est traduit par la nécessité de trouver les bonnes personnes, les bonnes machines, les bons réglages”.


Des défis relevés, permettant à l’entreprise de vingt-cinq salariés d’afficher un bilan à l’équilibre depuis deux ans et d’intervenir sur de nouveaux chantiers. Mais la marge de progression est limitée, car la société récupère d’ores et déjà 70% environ de ce qui se

déconstruit en France, estiment ses fondateurs, qui envisagent de diversifier leurs activités : “On pourrait s’intéresser aux charpentes en bois ou aux sanitaires. Le faux plancher, c’est facile à réemployer, mais ce qu’on a surtout cherché à faire, c’est montrer qu’il existe un modèle viable. L’économie circulaire est applicable à d’autres matériaux quand on arrive à

lever le frein assurantiel et psychologique”, conclut Noé Basch, pour qui ces obstacles sont loin d’être infranchissables.


Romane Roussel

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